Les employés sont en quête de valorisation et de la réalisation d’objectifs personnels dans le cadre de leur activité professionnelle. Soyez prêt à tenir vos promesses.

13 janvier 2022

Auteure : Jackie Wiles

Oubliez la notion de Grande démission ; pensez plutôt « Grande Réflexion ». Nous sommes à une époque charnière pour les travailleurs et le monde professionnel et nos postulats en tant qu’employeurs doivent changer.

Plus de 4,5 millions de personnes aux États-Unis ont volontairement quitté leur emploi en novembre. Près d’un quart des travailleurs de Singapour auraient l’intention de quitter leur emploi au cours du premier semestre de 2022. Les facteurs d’attrition sont nombreux, mais ces informations ne font que grossir la multitude de communiqués (y compris ceux de Gartner) sur les risques que présentent ces évolutions pour la gestion des ressources humaines. Et pourtant, de nombreuses entreprises semblent encore se concentrer sur des tactiques réactives à court terme pour résoudre ce qui est en passe de constituer un constat systémique à plus long terme. 

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Nous avons demandé à Chris Howard, directeur de la recherche chez Gartner, de nous expliquer ce que nous devrions savoir sur la Grande démission et comment les entreprises progressistes relèvent les défis relatifs aux ressources humaines auxquels elles sont confrontées à l’approche de 2022.

L’expression « Grande démission » ne nous apprend-elle pas déjà tout ce qu’il y a à savoir sur la situation ?

La Grande démission est une description assez précise du phénomène, du moins dans certaines régions et au sein de certains groupes d’employés. Mais elle décrit toujours le symptôme, pas la cause. Plus important encore, elle se concentre, comme le font des termes tels que « remaniement », sur les conséquences ressenties par les employeurs. 

Or, ce qui se passe actuellement touche des personnes, des êtres humains. Gartner research confirme que la volonté de quitter ou de conserver un emploi n’est qu’une des choses que les gens remettent en question aujourd’hui dans le cadre plus large du vécu collectif de chacun. On pourrait qualifier ce phénomène de « Grande réflexion ».

Les données de Gartner révèlent que la pandémie a changé la vision des employés sur leur vie professionnelle et personnelle.

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Est-ce vraiment le rôle des employeurs de tenir compte de ces « grandes réflexions » ?

Peut-être pas, mais je dirais que l’ignorer est, tout au moins, faire preuve d’un manque de perspicacité. Les plans stratégiques de chaque entreprise contiennent des objectifs qui ne peuvent être atteints sans le concours des ressources humaines. Vous pouvez traverser cette période de pandémie en espérant que vos employés feront toujours partie de vos effectifs à l’avenir, mais je ne connais pas beaucoup de chefs d’entreprise prospères qui se contentent d’observer ces grandes tendances d’un œil indifférent.

Vous pouvez également parier sur le fait que les employés vont simplement « passer à autre chose ». Mais la pandémie a tellement sollicité les personnes et leur a demandé une plus grande flexibilité, qu’elles ne peuvent tout simplement plus prendre sur eux. De plus, les gens ne veulent pas revenir au statu quo précédent la pandémie. Nombreux sont ceux qui ont acquis une plus grande conscience de soi et de leur valeur et ils ne sont pas prêts d’oublier s’ils se sont sentis sous-estimés, surtout dans un environnement où la présence physique est réduite, comme c’est le cas dans le cadre du télétravail, où il peut être beaucoup plus difficile d’être perçu par ses pairs. 

Et surtout, n’oubliez pas que les gens ne sont pas uniquement de simples employés. Ils sont aussi vos clients et vos parties prenantes. Ces derniers sont de plus en plus souvent à l’origine de la prise de conscience de votre entreprise et attendent d’elle qu’elle s’engage sur des questions litigieuses de justice et d’équité, dans la société comme au travail.

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Vous estimez que la prise de conscience de la valeur personnelle des personnes est au cœur de ces changements ?

Oui, en effet, c’est bel et bien le cas. Les gens se posent des questions telles que : Qu’est-ce qui me rend heureux et me permettra d’être épanoui ? Quelles sont les activités qui me procurent une réelle satisfaction ? Où ai-je trop donné de moi-même pour obtenir en retour bien trop peu de contreparties ?

La pandémie a été un catalyseur qui a permis de revaloriser la raison d’être et les valeurs personnelles. Gartner a interrogé plus de 3 500 employés dans le monde entier en octobre 2021 et 65 % d’entre eux ont déclaré que la pandémie leur avait fait repenser la place que le travail devrait occuper dans leur vie. 56 % ont déclaré que cela leur avait donné envie de contribuer davantage à la société.

Cela se traduit par un examen de conscience pour déterminer si vous vous sentez valorisé dans votre travail ou si vous ne faites que créer des résultats et de la valeur qui ne profitent qu’aux autres. Le fait de ne pas pouvoir répondre à ces questions de manière positive accentue encore davantage les intentions de quitter son emploi.

Est-ce que cette situation peut être imputée à la pandémie ?

Nous subissons la pandémie depuis si longtemps maintenant que nous nous attardons rarement sur (ou même reconnaissons) le fait que cela a été et continue d’être un événement bouleversant pour l’humanité. Et il ne s’agit pas d’un vulgaire exercice de philosophie existentielle. La pandémie nous a obligés à faire des choix réels et quotidiens sur ce que nous faisons de notre temps, de notre énergie et de notre capital social. Nous avons pu constater comment nos choix affectent concrètement notre survie et beaucoup d’entre nous sont épuisés émotionnellement et physiquement.

Nous traversons une période de transition dans laquelle les populations sont mises sur un pied d’égalité par une force extérieure, mais dont l’issue reste à déterminer. Nous nous interrogeons tous sur nos situations d’avant et après la pandémie. Nous nous demandons : « Puis-je recommencer à faire ce que je faisais avant, de la même manière ? En ce qui concerne la famille, les voyages, le travail, la vie en générale ? Est-ce que je devrais vraiment continuer sur la même lancée ? Mon bien-être repose sur ma capacité à innover, à imaginer un nouvel avenir et à prendre des mesures pour y parvenir, mais à quoi devrait ressembler cet avenir ? 62 % des employés interrogés déclarent que la pandémie leur a donné envie de changer radicalement leur mode de vie.

Nous sommes tous à la recherche de solutions et nous devons reformuler nos stratégies dans un contexte qui reste instable. Nous jouons tous cartes sur table. Nous sommes plus vulnérables que jamais les uns envers les autres. Chacun a vécu un traumatisme, même s’il n’a pas réellement perdu quelqu’un à cause du virus. Nous devons accorder une place à cette vulnérabilité sur le lieu de travail.

La solitude et l’isolement, que nous subissons depuis longtemps à cause de la pandémie, ont contribué à cet état de transition. Les vieilles habitudes ont disparu et de nouvelles se sont formées. Nous avons mis en œuvre de nouveaux mécanismes pour faire face au changement. Et certains d’entre eux présentent un intérêt certain. Nous faisons nos courses différemment, nous cuisinons davantage à la maison, nous nous adonnons à de nouveaux loisirs, nous réfléchissons à deux fois avant de voyager et nous nous sentons perdus dans les salles de conférence sans notre bureau numérique personnel à proximité. Nous ne savons peut-être pas comment renouer avec nos vies et nos modes de vie d’avant la pandémie, et ce même si nous le désirions.

Mais que doivent donc entreprendre les employeurs pour répondre à ces questions ? Faut-il se contenter de rémunérer davantage les collaborateurs ?

Le salaire sera toujours un facteur important, plus encore dans certaines situations, si les intéressés étaient par exemple systématiquement insuffisamment rémunérés dans leurs fonctions antérieures à la pandémie. Mais il s’avère que le salaire est loin d’être le seul facteur de motivation. 

Les collaborateurs se montrent plus motivés lorsqu’ils se sentent valorisés et ont le sentiment de contribuer à la réalisation d’un projet (et un salaire adapté fait partie de cette équation). Il se trouve que les employés aspirent à une certaine reconnaissance, à de meilleures possibilités de développement et à se sentir valorisés, en confiance et responsabilisés. Les travailleurs en contact avec le public, en particulier, manifestent leur souhait de se sentir respectés. Les employés veulent de plus en plus se montrer authentiques au travail. 

Les gens aspirent à donner un but à leur vie et cela inclut le monde du travail. Plus un employeur fait obstacle à ces aspirations, plus l’employé sera enclin à quitter l’entreprise. Les employés tiennent compte de cet équilibre plus que jamais auparavant. Nous parlons depuis un certain temps chez Gartner du fait que le travail se doit d’être une proposition avantageuse à la fois pour les employés et les employeurs, mais nous assistons à une évolution fondamentale dans le rapport entre la valorisation des intérêts des deux parties.

L’ère du contrat de travail, où un travailleur fournissait des services uniquement en échange d’une compensation monétaire, est révolue. Les employés exigent une proposition de valeur plus humaine en matière d’emploi : ils veulent que les employeurs soient conscients de leur valeur et qu’ils leur offrent de la valeur sur le plan humain. La compensation monétaire est importante pour subvenir à ses besoins, mais des relations plus sincères, un sentiment fort d’appartenance à la communauté et un travail motivant sont essentiels pour s’épanouir. Ce sont ces valeurs que les employés attendent de leurs employeurs. 

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Cette exigence de finalité s’estompera-t-elle à mesure que nous sortons de la pandémie ?

Pas nécessairement. La psychologie, les neurosciences et la biologie sont autant de domaines dont les données empiriques démontrent des changements fondamentaux dans le comportement humain suscités par la pandémie. Le monde professionnel doit rattraper son retard et nous honorons nos employés en tant que personnes en évoluant à leurs côtés. 

Les dirigeants de tous types de sociétés, y compris ceux du secteur public et de l’enseignement supérieur, sont également engagés dans une réflexion sur leur avenir et leur objectif. Ils élaborent des stratégies au sein des conseils d’administration qui intègrent le « point de vue de la société dans son ensemble » aux côtés de celui des clients, des actionnaires et des employés. 

Les entreprises sont de plus en plus conscientes qu’elles appartiennent à la société et qu’elles sont responsables des résultats qu’elles produisent, bons ou mauvais. De la même manière, ce type de culture de l’entreprise durable dans laquelle les sociétés passent de la logique de « réduire les préjudices ou les contributions néfastes » à celle de « faire plus de bien » est de plus en plus souvent pris en compte dans l’évaluation des investisseurs, et ne peut donc être ignoré. 

Les mesures financières quantifiables, cependant, ne sont qu’une facette de cette évaluation. Les investisseurs évaluent également des facteurs non financiers tels que l’environnement, la durabilité et la gouvernance afin d’identifier à la fois les opportunités de croissance et les risques importants. Les PDG qui poursuivent une stratégie de croissance doivent accepter qu’elle ne se fasse pas sans investissement dans le développement et le soutien des employés. 

Comment mettre en œuvre une approche de l’emploi plus centrée sur l’humain ?

Gartner research souligne qu’une approche centrée sur l’humain, qui donne aux gens plus de contrôle sur leur travail et leur environnement de travail, les rend également plus productifs. Mais cela exige des employeurs qu’ils repensent leur approche, qu’il s’agisse de placer l’humain au cœur des modèles de travail hybrides et non du lieu de travail, ou de donner aux employeurs la flexibilité nécessaire pour équilibrer les besoins personnels et l’autonomie afin de parvenir à la satisfaction des objectifs de l’entreprise.

Comme pour toutes les stratégies radicalement transformatrices, cette démarche impliquera des engagements stratégiques, un leadership, un développement de la culture et une exploitation judicieuse des technologies.

Nous devrons, tant les dirigeants que les employés, intégrer de nouvelles normes et normaliser de nouveaux comportements pour instaurer une culture d’entreprise qui permette de concrétiser et de promouvoir cette nouvelle vision. Les dirigeants et les managers devront par exemple s’attacher à solliciter des performances durables sans compromettre la santé de ces collaborateurs à long terme. En interrogeant des milliers d’employés et de managers, nous avons constaté que les employés dont les performances étaient durables étaient 17 % plus productifs que les autres employés et que ceux-ci étaient 1,7 fois plus susceptibles de conserver leur poste dans leur entreprise.

La gestion des performances en elle-même devra également évoluer, allant au-delà de la simple mesure des résultats des employés pour tenir compte du contexte et faire preuve de plus d’empathie. 

Dans le domaine des technologies, les entreprises se sont beaucoup concentrées sur le remplacement des opérations en présentiel et analogiques par des dispositifs numériques, parce qu’elles y étaient obligées. Mais aujourd’hui, nous pouvons tirer parti de la technologie pour optimiser toutes les facettes de l’expérience professionnelle. La technologie la mieux conçue (pensez à l’intelligence artificielle) peut aider les gens à être plus humains, et les entreprises devront sérieusement se pencher sur l’expérience globale : la combinaison des interactions, des aptitudes, de la création et de la prestation de valeur qui sont au cœur du travail.

Pour résumer :

  • Le télétravail est désormais incontournable pour de nombreux employés, mais certains dirigeants continuent de douter de la possibilité d’atteindre la même productivité que celle observée par le passé au sein des locaux traditionnels des entreprises.
  • Le manque de contrôle perçu par les dirigeants les pousse à faire de la microgestion, mais cela ne fait que réduire l’engagement, la motivation et la productivité des employés.
  • Cherchez à savoir si vous pratiquez la microgestion, puis appliquez ces techniques de leadership pour y mettre un terme et adopter des comportements plus productifs et propices à la confiance.

 

Chris Howard est directeur de la recherche chez Gartner. En cette qualité, M. Howard veille à ce que les recherches de Gartner répondent aux besoins généraux et spécifiques aux cadres supérieurs, en mettant l’accent sur un leadership à la fois technique et commercial.

Ressources recommandées pour les clients de Gartner* :

Centre de ressources sur l’avenir du travail réinventé

Les études Maverick* : Assurer l’avenir des activités, les bénéfices dans un deuxième temps

Traverser une crise avec le modèle SIMPLER

L’avenir du travail se réinvente : Remporter la course du recrutement et stimuler les performances

Réinventer la proposition de valeur faite aux employés : Un contrat plus humain

* Veuillez noter que certains documents peuvent ne pas être disponibles pour tous les clients de Gartner.

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